Pleins feux sur nos agriculteurs
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Pleins feux sur nos agriculteurs

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Ferme laitière Pionald

Verger Au Nom de la Noix

Ferme laitière Pionald

Passionné par son travail, ce producteur laitier de 5e génération vit au rythme de la ferme, de 4 h 30 du matin à 20 h le soir. Deux fois par jour, 365 jours par année, il trait et nourrit ses 90 vaches et nettoie l’étable, aidé par sa femme, Suzie, et un employé à temps plein. Sans compter toutes les autres tâches connexes de la vie sur une ferme : entretien mécanique, comptabilité, gestion du personnel… Chaque jour, la ferme Pionald produit environ 2500 litres de lait. De quoi nourrir au moins 500 familles quotidiennement!

Ghislain Pion cultive aussi 230 hectares de terre, dont 100 hectares servent exclusivement à nourrir ses vaches. De plus, son terrain inclut 20 hectares de milieux boisés.

Située sur le chemin Pion, aux confins de Mont-Saint-Hilaire, la ferme Pionald fait partie du paysage hilairemontais depuis plus d’un siècle. Aujourd’hui, Ghislain Pion est à la tête de cette entreprise familiale avec sa conjointe, Suzie, et son père, Denis. Citoyen engagé et préoccupé par l’environnement et la lutte aux changements climatiques, il fait partie du Comité consultatif de l’environnement et du développement durable à la Ville de Mont-Saint-Hilaire. Il siège aussi à différents conseils d’administration, notamment en tant que membre du conseil d’administration du club conseil en agroenvironnement Groupe ProConseil, président de VIA Pôle d’expertise et 1er vice-président de la Coop Agiska.

Pour Ghislain Pion, les producteurs agricoles sont actuellement confrontés à deux grands défis : nourrir la population mondiale et lutter contre les changements climatiques. Pas facile toutefois de trouver le point d’équilibre parfait entre survivre sur le plan économique, protéger l’environnement et préserver sa santé et celle de la population… « L’agriculture durable, c’est d’abord une agriculture économique : si tu n’as plus d’agriculteurs, tu n’as plus d’agriculture! » souligne-t-il. Dans un tel contexte, Ghislain Pion adopte l’approche de l’agriculture raisonnée : une agriculture avec le minimum d’impact possible sur l’environnement.

En ce qui concerne l’usage des pesticides, par exemple, M. Pion sélectionne toujours les produits à plus faible risque pour l’environnement et la santé. « Si on pouvait s’en exempter, on s’en exempterait assurément! » souligne-t-il.

Le producteur privilégie aussi la technique du semis direct. Cette technique permet de laisser les résidus de la récolte précédente (maïs ou soja) et de semer directement la nouvelle culture sans labourer le sol du champ. L’hiver, ces résidus aident à atténuer l’érosion éolienne et se transforment au printemps en précieuses sources d’énergie : ils nourrissent les bactéries du sol qui, en retour, améliorent la structure du sol. De plus, Ghislain Pion introduit du foin dans sa rotation des terres. En plus de produire de la nourriture pour les animaux, la culture du foin en alternance avec la culture des céréales a plusieurs avantages : fixer l’azote dans le sol (un engrais gratuit!), absorber le CO2 pour diminuer les gaz à effet de serre et améliorer la qualité du sol.

Son prochain grand objectif : atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Il a déjà dressé le bilan carbone de sa ferme et travaille actuellement sur un plan d’action. De plus, il participe à des laboratoires vivants où des producteurs, leur conseiller en agroenvironnement et des chercheurs collaborent pour bien comprendre la dynamique des végétaux et de leurs racines sur la séquestration du carbone dans la matière organique.

Un autre défi de taille touche tous les producteurs agricoles : prendre soin de leur santé mentale. Selon Ghislain Pion, avec les marges bénéficiaires qui diminuent constamment, les agriculteurs vivent des pressions de performance très fortes et une grande peur du jugement, celui des pairs, mais aussi celui des citoyens sur la manière dont les producteurs traitent les animaux.

En raison de l’actuelle pénurie de main-d’œuvre, les producteurs ont aussi de la difficulté à trouver des gens pour les remplacer, le temps de souffler un peu à travers le rythme effréné sur la ferme. Sur ce plan, M. Pion s’estime chanceux : depuis deux ans, il peut prendre congé le dimanche matin. « Ça fait une très grande différence pour moi. Quand tu es épuisé, un petit problème te paraît beaucoup plus gros! », constate-t-il.

Pour le moment, les enfants de Ghislain Pion ne démontrent pas d’intérêt à prendre sa relève à la ferme, mais il ne s’en formalise pas outre mesure. « À faire une job que tu n’aimes pas, la vie est longue! Moi, ça fait 33 ans que je suis à temps plein sur la ferme, ça m’a paru très rapide parce que j’aime ça! », confie Ghislain Pion, qui se voit continuer la production laitière jusqu’au début de la soixantaine. « Je ne ferai pas le train en marchette, ça c’est clair, mais je veux rester sur la ferme au moins jusqu’à 80 ans! »

Verger Au nom de la noix

En observant un bouleau gris encadré par deux pins rouges, Pierre Boucher s’est reculé, pensif… « J’ai visualisé deux pins de Corée avec un bouleau blanc au milieu. J’en ai planté une rangée… et ça s’en vient sublime! » Créer de la beauté et la préserver pour les générations futures, voilà les principes qui guident ce véritable artiste de la nature dans son projet de retraite, le verger Au nom de la noix.

C’est en écoutant un reportage de La Semaine verte sur le bois de noyer noir que l’Hilairemontais Pierre Boucher a eu l’idée de démarrer une plantation sur sa terre agricole, située sur le chemin de Patriotes. « Je craignais le dézonage alors je cherchais à donner une nouvelle vocation à ma terre pour m’assurer de pouvoir la léguer à mes deux filles et à mes petits-enfants, explique M. Boucher, homme d’affaires retraité du domaine de l’outillage industriel et collectionneur de tracteurs et voitures antiques. Je voulais leur laisser plus que de la vieille machinerie! Grâce au reportage, j’ai appris la valeur importante du bois noble sur le marché. »

Autrefois exploitée pour cultiver de grandes cultures (maïs, soya, blé), la terre de M. Boucher s’est transformée en un écosystème complexe depuis le démarrage du verger en 2007. Plus de 6000 arbres, dont plusieurs essences nobles, se dressent aujourd’hui sur cette terre de 30 hectares : des noyers noirs, des noyers Buartnut, des caryers cordiformes et des noyers du Japon – dont les noix à la coquille très coriace prennent la forme d’un cœur – des châtaigniers, des noisetiers, des Charmes de Caroline, des pins de Corée, des ormes liège ou des bouleaux d’acajou. Le verger au Nom de la noix fait d’ailleurs figure de pionnier au Québec pour la plantation de plusieurs de ces essences, qui demeurent extrêmement rares au Canada.

Pierre Boucher n’a toutefois pas l’intention de couper le moindre tronc de sitôt : « On est en amour avec les arbres… notre but sera toujours de rester une plantation », souligne-t-il. De plus, le bois de noyer noir commence seulement à prendre de la valeur après 25 ans, au minimum. En attendant, ces arbres ont l’avantage de donner des noix dans un délai un peu plus court, soit environ une dizaine d’années.

Le verger de M. Boucher a donné sa première récolte significative en 2018. Cette année-là, sa fille Véronique a pris une année sabbatique de son travail d’éducatrice en garderie pour lui donner un coup de main. Elle n’est jamais repartie et se consacre désormais à temps plein à l’entreprise familiale. Sa sœur Estelle prévoit également de se joindre à l’équipe dans quelques années.

Aujourd’hui, Au nom de la noix peut être considérée comme une ferme exceptionnelle et unique au Québec. « Cultiver la noix au Québec, c’est nouveau! Nous sommes très peu de producteurs. À l’heure actuelle, les noix qu’on retrouve dans les grandes surfaces sont toutes importées, même celles que nous pouvons faire pousser ici, comme les noisettes », explique Véronique Boucher.

Toute la plantation a été planifiée et conçue pour favoriser la symbiose entre les arbres, les insectes, les oiseaux et même les champignons. Par exemple, des arbres d’accompagnement (tilleuls et bouleaux) se dressent entre chaque noyer noir afin de stimuler leur croissance. Certains châtaigniers ont aussi été inoculés avec de la truffe de Bourgogne et de la truffe des Appalaches (une espèce indigène). Ces champignons vivent en symbiose avec les arbres et prennent de 7 à 10 ans avant de pouvoir être récoltés. Du trèfle tapisse le sol entre les rangées d’arbres afin de contrôler les mauvaises herbes et nourrir les abeilles d’un apiculteur de la région. Au printemps, des hirondelles bicolores et pourprées viennent loger dans des nichoirs conçus spécifiquement pour elles, tandis que des hirondelles rustiques – une espèce en péril – s’abritent dans le bâtiment de ferme.

Quant aux noix, elles sont cultivées biologiquement, sans pesticides, et leur récolte se déroule de manière artisanale, à la main. La famille Boucher bénéficie d’un coup de main de la part d’amis et de bénévoles pour la fauche, l’entretien, la taille et la récolte des noix, qui s’étale sur plusieurs périodes.

Pour le moment, Au nom de la noix commercialise deux produits : des noisettes nordiques et des noix de noyer noir. Ces dernières possèdent une saveur audacieuse rappelant celle du champignon et du fromage brie, une caractéristique distinctive très attrayante pour plusieurs chefs québécois qui s’approvisionnent auprès du verger.

Les Boucher caressent d’autres projets à moyen et long terme : ouvrir une boutique pour la vente au détail, revaloriser les coquilles de noix, trouver une entreprise intéressée à transformer les noix brutes et même faire de leur ferme un site agrotouristique pour l’interprétation d’arbres à noix.

Malgré tout, Pierre et Véronique Boucher ne se mettent aucune pression pour atteindre la rentabilité ni pour augmenter leur production à tout prix. D’ailleurs, pour Pierre Boucher, le plus important demeurera toujours la proximité avec la nature : « Je n’ai pas besoin d’aller ailleurs… Pour être bien, je vais faire un tour dans ma plantation. Chaque endroit où je regarde, je trouve ça beau. C’est un espace de jeu incroyable, illimité… et tu respires! »

La ferme Au nom de la noix n’accueille pas le grand public, mais les personnes intéressées peuvent s’y rendre sur rendez-vous ou se procurer des noix au kiosque de fruits et légumes des Serres Girouard à Ste-Madeleine et à l’épicerie fine les Saveurs des Sévelin à Longueuil.

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